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De l’importance de détecter les contaminants naturels dans la nourriture

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De l’importance de détecter les contaminants naturels dans la nourriture
2019 11-13

Dans le cadre du rapport annuel 2018 du LNS, nous avons réalisé une série d’interviews et de reportages pour mieux présenter le LNS à travers son personnel et ses différents départements. Voici le quatrième interview qui met en scène le Dr sc. Gilbert Moris, responsable du service de surveillance alimentaire, suivi du reportage correspondant. Bonne découverte!

 

Le service de surveillance alimentaire est l’un des deux services du département des laboratoires protection de la santé. Ses activités consistent à effectuer des analyses chimiques, biochimiques et microbiologiques sur les denrées alimentaires, les aliments pour animaux et les semences qui ont été prélevés par les différentes administrations impliquées dans le contrôle officiel de la chaîne alimentaire. Une de ses missions essentielles est de détecter et d’analyser les contaminants dans la nourriture. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la nourriture et les boissons ne sont pas uniquement contaminées par des substances résultant de pratiques agricoles ou industrielles (pesticides, nitrates, matériaux en plastique, métaux lourds, PCB, dioxines, contaminants de transformation comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les nitrosamines et l’acrylamide). Il existe également des toxines naturelles produites par des organismes vivants comme les bactéries, les champignons et certaines plantes.

BACILLUS CEREUS, UN PATHOGÈNE HUMAIN OMNIPRÉSENT

« Des bactéries comme Bacillus cereus sont largement présentes dans l’environnement », constate le Dr sc. Gilbert Moris, responsable du service de surveillance alimentaire. « Ce type de bactérie produit des toxines qui peuvent causer deux types de maladies : l’une est caractérisée par des diarrhées et l’autre par des nausées et des vomissements déclenchés par la production d’une toxine émétique appelée céréulide. Bacillus cereus est présent dans une variété d’aliments, en particulier le riz, les légumes, les sauces, les soupes et autres aliments préparés, et peut rapidement se multiplier à température ambiante. Nous disposons de différentes méthodes pour le détecter. D’abord, nous utilisons un milieu gélosé. Après avoir préparé une suspension mère de l’échantillon à analyser selon un rapport de 1 à 10 (1 part d’alimente + 9 parts de diluant sur un total de 10), nous en prélevons 1% (1 ml) et l’ensemençons dans un milieu contenant le produit gélifiant agar-agar, un substrat chromogénique qui colore la bactérie, et des antibiotiques qui empêchent la croissance d’autres bactéries. Après un ou deux jours d’incubation, Bacillus cereus apparait sous la forme de colonies caractérisées par une coloration verte. Une autre méthode basée sur la biologie moléculaire est la réaction en chaîne par polymérase (PCR), une technique qui multiplie les copies d’une région spécifique de l’ADN in vitro (dans un tube plutôt que dans un organisme). L’objectif est de détecter la présence du gène qui produit la toxine et d’évaluer le pourcentage de bactéries qui possèdent cette séquence génétique et l’exprimeront. »

LES EFFETS NOCIFS DES MYCOTOXINES

Certains champignons (du type moisissures) peuvent également avoir un impact négatif sur la santé humaine en contaminant les produits agricoles sur le champ ou pendant le stockage en produisant des mycotoxines. L’apparition de ces métabolites toxiques sur les grains et la nourriture animale vulnérables à une infestation fongique est influencée par des facteurs environnementaux comme la température, le niveau d’humidité et/ou les précipitations pendant les périodes de végétation, de récolte et de post-récolte. Quand un foyer d’infection se déclare, les mycotoxines sont produites dans les denrées alimentaires, dont certaines sont utilisées dans l’alimentation animale, et y resteront présentes à chaque stade de production de la nourriture. Les mycotoxines sont très résistantes et ne sont pas détruites par la plupart des procédés utilisés dans la production de la nourriture animale. Quand celle-ci est consommée par les animaux ou les humains, les conséquences peuvent être très néfastes, pouvant même jusqu’à provoquer la mort. Les mycotoxines peuvent provoquer d’importants problèmes de santé comme des troubles neurologiques, une insuffisance hépatique, rénale ou cardiaque.

« Aspergillus, Penicillium et Fusarium sont les moisissures productrices de mycotoxines les plus courantes », explique le Dr sc. Gilbert Moris. « Les moisissures du genre Aspergillus sont surtout présentes dans les régions (sub)tropicales et affectent principalement les céréales, les fruits à coque et les épices. Elles produisent des mycotoxines qui peuvent avoir un sérieux impact sur la santé humaine et animale comme les aflatoxines, les stérigmatocystines, l’ochratoxine et les fumonisines. L’aflatoxine B1 est la plus hépatotoxique et la plus hépatocancérogène des aflatoxines produites par Aspergillus. Le genre Penicillium se retrouve principalement dans les céréales, les pommes et le café. Ainsi, Penicillium expansum produit de la patuline, une toxine qui a des effets neurotoxiques, immunotoxiques et gastro-intestinaux chez les animaux et est potentiellement génotoxique pour les êtres humains. Les moisissures du type Fusarium sont à l’origine de pertes économiques importantes dans de nombreuses cultures en vigueur dans nos pays comme le blé, l’orge ou l’avoine. Certaines espèces sont connues pour coloniser les grains de céréales stockés, causant non seulement des pertes importantes, mais produisant également des mycotoxines potentiellement dangereuses pour les animaux et les êtres humains. »

La chromatographie liquide ultra haute performance couplée à une spectrométrie de masse (UPLC-MS/MS) est principalement utilisée pour détecter les mycotoxines. Cette technique analytique combine les capacités de séparation physico-chimiques de la chromatographie liquide avec les capacités d’analyse de masse de la spectrométrie de masse et peut identifier plusieurs mycotoxines en même temps.

DES ALCALOÏDES PYRROLIZIDINIQUES DANS LES HERBES

Certaines plantes produisent également des toxines, en particulier les alcaloïdes pyrrolizidiniques. La plupart d’entre elles sont des mauvaises herbes pouvant pousser dans les champs et contaminer les cultures. Les alcaloïdes pyrrolizidiniques peuvent être d’une toxicité aigüe et certains d’entre eux sont capables d’endommager l’ADN et provoquer un cancer. Les alcaloïdes pyrrolizidiniques restent stables pendant le processus de transformation et se retrouvent dans les thés, le miel, les infusions, les épices et d’autres produits alimentaires comme les céréales. « Étant donné la complexité du sujet et le grand nombre de composés en jeu, le risque global pour la santé n’a pas encore été complètement évalué », fait remarquer le Dr sc. Gilbert Moris. « Il y a des centaines de molécules, qui se ressemblent toutes mais sont toutes différentes. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Security Authority ou EFSA) en a sélectionné une vingtaine dans les aliments pour les êtres humains et les animaux que nous devons identifier. Nous utilisons le même type de méthode de détection que pour les mycotoxines mais celle-ci n’est pas encore totalement mise en place. L’EFSA doit encore fixer la limite de la quantification au-delà duquel la santé humaine ou animale peut être mise en danger. »