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La cartographie des profils de méthylation de l’ADN : un puissant outil pour améliorer le diagnostic des tumeurs cérébrales

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La cartographie des profils de méthylation de l’ADN : un puissant outil pour améliorer le diagnostic des tumeurs cérébrales
2019 11-06

Dans le cadre du rapport annuel 2018 du LNS, nous avons réalisé une série d’interviews et de reportages pour mieux présenter le LNS à travers son personnel et ses différents départements. Voici le troisième interview qui met en scène le Pr Dr Michel Mitterlbronn, neuropathologiste et chef du Centre National de Pathologie, suivi du reportage correspondant. Bonne découverte!

 

Le département de pathologie morphologique et moléculaire, devenu le Centre National de Pathologie (CNP) depuis le 1er avril 2018, est le plus important en nombre de collaborateurs. Il est impliqué dans les soins d’environ 180.000 patients par an et comporte deux services : le service de cytologie gynécologique et le service d’anatomie pathologique.

10 À 15% DE DIAGNOSTICS IMPRÉCIS AVEC LES MÉTHODES STANDARDS

Le Centre National de Pathologie est de plus en plus impliqué dans la mise en place de nouvelles techniques et de nouveaux tests moléculaires comme la cartographie des profils de méthylation de l’ADN. Basée sur des biomarqueurs épigénétiques, cette nouvelle méthode améliore de manière significative le diagnostic des tumeurs cérébrales. « Alors que la génétique traditionnelle explique la façon dont les séquences d’ADN passent d’une génération à l’autre, l’épigénétique décrit comment les gènes s’expriment dans les différents types de cellules », détaille le Pr Dr Michel Mittelbronn à la tête du CNP. « Nous savons qu’une des manières de fonctionner de l’épigénétique se fait par l’ajout ou le retrait de marqueurs chimiques qui peuvent inhiber ou désinhiber l’information contenue dans des gènes particuliers. Ces marqueurs chimiques, ou groupes méthyles1, sont utilisés pour modifier surtout la cytosine (C), une des 4 bases chimiques qui constituent le code génétique de notre ADN. Lorsque la cytosine est méthylée, l’ADN maintient la même séquence mais l’expression des gènes méthylés peut être considérablement différente. Depuis quelques années, nous avons découvert que la méthylation de l’ADN est relativement stable dans les différentes entités tumorales et que de nombreuses tumeurs ont leur propre profil de méthylation épigénétique. En classant les tumeurs en fonction de leur signature épigénétique, nous pouvons les catégoriser avec beaucoup plus de précision. »

D’après le Pr Dr Michel Mittelbronn, ce nouvel outil peut changer le diagnostic dans 15% des cas. « En utilisant les méthodes standards comme l’analyse au microscope, nous, en tant que pathologistes, avons probablement classé de manière imprécise entre 10 et 15% de toutes les tumeurs. Ces diagnostics imprécis peuvent s’expliquer pour plusieurs raisons. Souvent, le pathologiste reçoit seulement quelques petits fragments de la tumeur parce qu’elle peut être difficile à réséquer et une résection complète pourrait être trop invasive et donc dangereuse pour le patient. Le diagnostic peut également être biaisé par l’interprétation subjective de l’image microscopique par le pathologiste. Ainsi, nous devons souvent déterminer si une tumeur est bénigne ou plutôt maligne. De prime abord, certains fragments d’une tumeur apparaissent morphologiquement comme bénins et pourraient donc ne pas requérir un traitement particulier. Pourtant, il arrive parfois qu’une signature épigénétique indique au contraire une tumeur particulièrement maligne comme le gliobastome, un des cancers du cerveau parmi les plus agressifs qui doit être traité rapidement par chimiothérapie et radiothérapie. »

LE POTENTIEL DE TRANSFORMER LA PATHOLOGIE TUMORALE

« Vous pouvez comparer la signature épigénétique d’une tumeur à la carte d’identité d’un individu », ajoute le Pr Dr Mittelbronn. « Même si les personnes se camouflent sous un déguisement, nous serons toujours capables de les reconnaître grâce à leur numéro d’identification. La même logique prévaut pour la cartographie des profils de méthylation de l’ADN. Ce puissant outil nous permet de poser des diagnostics pus précis et moins biaisés, en particulier en neuropathologie et probablement aussi pour les tumeurs des tissus mous et osseux, et de mieux répartir les patients en fonction des stratégies de traitement. »

« Pour déterminer les profils de méthylation de l’ADN dans les échantillons, nous appliquons d’abord un traitement au bisulfite », précise le Pr Dr Mittelbronn. « Lorsque la cytosine est méthylée, le traitement au bisulfite ne modifie pas la méthylation et laisse les résidus de cytosine intacts. Au contraire, lorsque la cytosine n’est pas méthylée, le traitement au bisulfite convertit les résidus de cytosine en uracile, une des 4 bases présentes dans l’acide ribonucléique (ARN).  Les échantillons d’ADN traités au bisulfite sont ensuite amplifiés, fragmentés et hybridés sur des puces qui sont scannées par un système d’imagerie optique au laser et à très haute résolution. Pour faire simple, ce scanner, qui est capable de lire des centaines de milliers de méthylation de manière très précise, nous permet de calculer le pourcentage de méthylation en fonction de la présence ou de l’absence d’uracile dans chaque portion d’ADN du patient. La présence ou l’absence de la méthylation de l’ADN est mise en évidence par différentes couleurs. »

« Et ceci n’est quel début », poursuit le Pr Dr Mittelbronn. « Cette cartographie des profils de méthylation de l’ADN a le potentiel de transformer radicalement la pathologie tumorale grâce à la nouvelle génération de méthodes de classification des tumeurs basées sur l’intelligence artificielle. »