Dans le cadre du rapport annuel 2017 du LNS, nous avons réalisé une série d’interviews et de reportages pour mieux présenter le LNS à travers son personnel et ses différents départements. Voici le septième interview qui met en scène le Dr sc. Elizabet Petkovski suivi du reportage correspondant. Bonne découverte!
Ingénieur en biotechnologie et docteur en biologie moléculaire de l’Université Louis Pasteur à Strasbourg, Elizabet Petkovski est la responsable du service d’identification génétique (SIG). Ensemble avec la toxicologie médico-légale, le service médico-judiciaire et la plateforme de toxicologie analytique-chimie pharmaceutique, son service fait partie du département de médecine légale. Il a pour principale mission de réaliser des expertises génétiques à la demande des autorités judiciaires. En octobre 2017, le SIG a quitté les locaux du LNS au Velorenkost à Luxembourg-Ville et emménagé dans la phase II du nouveau bâtiment à Dudelange. L’événement pourrait paraître anodin en soi mais il a, au contraire, revêtu une importance extrême. Des mois de préparation et une implication de toute l’équipe ont été nécessaires pour mener à bien ce projet.
Pour bien comprendre l’importance de ce déplacement, une présentation du service et de ses méthodes de travail s’impose. « Pour aider la Justice dans l’exploitation d’indices génétiques, le SIG dispose d’une équipe d’une dizaine de personnes aux profils très variés », explique Elizabet Petkovski. « Nos trois techniciens utilisent des outils de biologie moléculaire et de biochimie pour extraire de l’ADN à partir des prélèvements effectués sur place par les policiers. Nos trois experts judiciaires, dont je fais partie, interprètent les résultats analytiques, vérifient leur qualité et leur probité et remettent les profils génétiques dans le contexte de l’affaire. Notre service compte également deux secrétaires, un responsable de l’assurance qualité qui veille à ce que nous respections notre accréditation à la norme ISO 17025:2005, et deux ingénieurs chargés d’organiser le travail des techniciens et de redistribuer les résultats vers les experts.
La présence de ces deux ingénieurs est indispensable. Sans eux, il serait impossible de coordonner les milliers de demandes que nous recevons chaque année sur des matériaux aussi divers que les empreintes digitales, la salive, les poils, les cheveux ou même les os lorsqu’il s’agit d’identifier un cadavre dont l’identité est inconnue. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, nos travaux d’expertise ne se limitent pas aux activités criminelles. Nous travaillons sur mesure en fonction des besoins de la police et des institutions judiciaires. »
« Nos méthodes de travail sont soumises à des règles très strictes. Notre laboratoire est régulièrement décontaminé, nous n’y pénétrons qu’en étant habillés de la tête aux pieds de vêtements de protection et chacun de nos mouvements est soigneusement étudié. Le pire ennemi dans notre métier, c’est la contamination. Nous ne faisons ainsi jamais visiter notre laboratoire. Le risque que l’ADN des visiteurs pollue un échantillon à analyser et fausse ainsi le résultat est beaucoup trop grand. »
Comment dès lors déménager tout un service où la moindre contamination peut avoir des conséquences dramatiques ? « Le maître-mot a été l’anticipation », poursuit Elizabet Petkovski. « Dès l’annonce d’un possible déménagement en juillet 2017, nous avons établi un plan d’actions très détaillé comprenant plusieurs phases. La première a consisté à finaliser l’ensemble des analyses et expertises en cours avant le déménagement. Déménager une pièce à conviction ou un échantillon aurait été une catastrophe. Nous avons donc mis les bouchées doubles pour augmenter les cadences de traitement des expertises. Ensuite, comme aucune expertise ne pouvait être réalisée pendant le déménagement et immédiatement avant et après celui-ci, nous avons planifié cet arrêt technique en demandant à l’avance à des laboratoires d’identification génétique géographiquement assez proches – France (Épinal), Belgique (Liège) et Allemagne (Mayence) – d’être disponibles pour la Justice grand-ducale pendant cette période. Quelques jours avant le déménagement proprement dit – qui a duré en tout et pour tout une journée et demie –, nous avons protégé nous-mêmes tous nos appareils contre une quelconque contamination par les nombreux intervenants au déménagement. »
« Une fois le déplacement terminé, nous n’avons pas été au bout de nos peines. Nous devions impérativement reprendre le plus vite possible nos activités. Après avoir dû accorder nos violons avec les différents corps de métier dont les travaux n’étaient pas terminés, nous avons procédé à la décontamination, puis à la requalification de l’ensemble de nos outils pour s’assurer que leur déplacement et leur nouvel environnement n’ont pas eu d’impact sur leur fonctionnement. Nous avons ensuite revalidé l’ensemble de nos méthodes pour vérifier leur efficacité et leur qualité. Concrètement, nous avons analysé une moitié des échantillons et comparé les résultats avec ceux obtenus avec l’autre moitié avant le déménagement. Quelques semaines seulement après notre déménagement, en janvier 2018, nous avions retrouvé l’accréditation à la norme ISO 17025:2005 pour l’ensemble de nos analyses. Ce tour de force n’aurait pas été possible sans la motivation et l’implication de toute mon équipe. De manière organisée et méticuleuse, chacun d’entre nous a su se dépasser. »
Outre le fait que cet emménagement dans la phase II du bâtiment a soudé encore un peu plus une équipe qui l’était déjà, celui-ci a également eu des retombées positives sur les aspects opérationnels. « Nous nous sommes rapprochés des autres services du département de médecine légale, ce qui va favoriser encore plus les synergies. Les communications avec les services transversaux comme l’informatique ou les ressources humaines sont devenues plus faciles et prennent moins de temps qu’auparavant. Enfin, avec des locaux plus modernes et plus adaptés, nous sommes désormais mieux parés pour répondre aux demandes de plus en plus nombreuses de la Justice grand-ducale. Finalement, ce défi que fut ce déménagement va en appeler d’autres. L’aventure est loin d’être finie. »