bg image

Les virus influenza en point de mire

Les virus influenza en point de mire
2019 10-23

Dans le cadre du rapport annuel 2018 du LNS, nous avons réalisé une série d’interviews et de reportages pour mieux présenter le LNS à travers son personnel et ses différents départements. Voici le premier interview qui met en scène le Dr sc. Guillaume Fournier, responsable adjoint du service de virologie et sérologie, suivi du reportage correspondant. Bonne découverte!

 

Au sein du département de microbiologie, les services de virologie et sérologie (VIRO) et d’épidémiologie et génomique microbienne jouent, depuis plusieurs années, un rôle essentiel dans la surveillance de la grippe.

Chaque année, d’octobre à avril dans l’hémisphère Nord et d’avril à octobre dans l’hémisphère Sud, les épidémies de grippe touchent des millions de personnes dans le monde. Si la grippe saisonnière reste la plupart du temps bénigne, elle est cependant responsable de millions de cas graves et de centaines de milliers de décès par an. D’après le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control ou ECDC), entre 291.000 et 646.000 personnes dans le monde meurent chaque année des suites d’une maladie respiratoire liée à la grippe saisonnière.

La grippe est causée par les virus influenza qui appartiennent à la famille des orthomyxoviridae. Cette famille de virus s’attaque principalement aux voies respiratoires (nez, gorge, bronches). Les symptômes apparaissent de 1 à 4 jours après la contamination et se caractérisent par l’apparition d’une forte fièvre, de douleurs musculaires, de maux de tête, d’une sensation de malaise, d’une toux sèche, d’une gorge irritée et d’une rhinite. Même si la plupart des personnes atteintes guérissent en une à deux semaines sans traitement médical, la grippe peut provoquer de graves complications chez les populations déjà vulnérables comme les jeunes enfants, les personnes âgées et les malades souffrant de pathologies chroniques (pneumopathies, problèmes cardiaques et rénaux, cancer, immunosuppression, etc.). Pour ces groupes à risques, une vaccination contre la grippe est recommandée.

UNE LARGE VARIÉTÉ DE VIRUS SE MODIFIANT EN PERMANENCE

« Pour lutter contre les épidémies saisonnières, des mécanismes de surveillance ont été mis en place à la fois au niveau national et international », précise le Dr sc. Guillaume Fournier, responsable adjoint du service de virologie et sérologie. « Mais la tâche n’est pas aisée. Le simple rhume et la grippe ont en commun de nombreux symptômes et il est parfois difficile, voire impossible, de faire la différence entre les deux en se basant uniquement sur ceux-ci. Souvent, les patients ne réalisent même pas qu’ils ont la grippe. Dans 80% des cas, l’infection grippale passe inaperçue ou est assimilée à un léger refroidissement.

« De plus, il n’existe pas un mais plusieurs virus influenza. Ces virus qui peuvent affecter l’être humain sont de trois types : A, B et C. Les types A et B sont à l’origine des épidémies saisonnières mais le type A peut parfois provoquer des pandémies. Ce dernier peut en effet évoluer génétiquement par deux mécanismes distincts. Le premier est appelé glissement antigénique. Des modifications mineures dans les gènes du virus apparaissent au fur et à mesure de sa multiplication. Ces mutations génétiques produisent généralement des virus semblables aux précédents mais qui, par accumulation avec le temps, aboutissent à des virus antigéniquement différents. Lorsque cela se produit, le système immunitaire peut ne pas les reconnaître. Le deuxième mécanisme est appelé cassure antigénique et se caractérise par un échange de matériel génétique entre deux virus influenza ou plus. Ce nouveau virus peut être si différent que la plupart des gens ne sont pas immunisés contre lui. Il peut donc s’étendre très rapidement et causer une pandémie. »

Les modifications génétiques constantes des virus influenza imposent d’ajuster chaque année la composition du vaccin. Pour ce faire, le réseau mondial de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) collecte et analyse toutes les données virologiques et épidémiologiques relatives à la grippe en provenance des quatre coins du globe. Sur base des informations recueillies par le réseau, l’OMS sélectionne les souches de la grippe qui seront à la base de la production du nouveau vaccin.

LE RÔLE CAPITAL DU DÉPARTEMENT DANS LE RÉSEAU SENTINELLE

Au Luxembourg, le département de microbiologie, la Direction de la Santé et un réseau de médecins généralistes et de pédiatres répartis dans tout le pays collaborent chaque année, d’octobre à avril, pour assurer une surveillance sentinelle de la grippe. « Les médecins du réseau nous communiquent chaque semaine la proportion de leurs patients qui ont présenté une infection respiratoire aigüe (IRA) ou un syndrome grippal (Influenza like Illness ou ILI) pendant une journée de consultations », explique le Dr sc. Guillaume Fournier. « Ils nous envoient également les prélèvements de nez et gorge des patients présentant un syndrome grippal. Nous les analysons ensuite en utilisant un procédé de réaction en chaîne par polymérase (PCR) ainsi que des méthodes de séquençage pour détecter la présence du virus de la grippe et en caractériser le type et la souche. Une fois par semaine, nous mettons à jour les données relatives à l’activité de la grippe et informons les médecins, le ministère de la Santé ainsi que le grand public via notre newsletter et la page Surveillance de la grippe du site web du LNS. Dans le même temps, nous transmettons nos statistiques et les résultats des PCR à l’ECDC. »

« A la fin de la saison grippale, nous transférons toutes nos données relatives aux souches des virus influenza ayant circulé au Luxembourg aux autorités sanitaires européennes et mondiales (ECDC et OMS) pour leur permettre de réaliser une surveillance épidémique globale et choisir les souches appropriées à inclure dans le vaccin pour la prochaine saison épidémique. Les grippes saisonnières peuvent varier fortement d’une année à l’autre. Par exemple, la saison 2017-2018 a été particulièrement intense. Nous avons reçu deux à trois fois plus d’échantillons : 2.000 avec 54% de cas positifs contre 600 avec 36% de cas positifs l’année précédente. Les virus en circulation étaient également très diversifiés avec 27% de type B, 24% de type A H1N1 et 3% de type A H3N2. »

UN LABORATOIRE NATIONAL DE RÉFÉRENCE POUR LA GRIPPE ET AUTRES MALADIES INFECTIEUSES

La surveillance sentinelle ne constitue qu’une partie des missions du LNS comme laboratoire national de référence pour l’influenza. « Nous apportons également notre expertise aux hôpitaux ainsi qu’aux autres laboratoires et les aidons dans le cas d’épidémies ou de découverte d’un sous-type inattendu », ajoute le Dr sc. Guillaume Fournier. « Nous sommes le seul laboratoire de diagnostic du pays à disposer d’une installation de biosécurité de niveau 3 (BSL-3) dédiée à la surveillance de la grippe. Cela signifie que notre environnement de travail nous permet de diagnostiquer et de manipuler des virus grippaux hautement pathogènes. De plus, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2018 sur la déclaration obligatoire de certaines maladies dans le cadre de la protection de la santé publique, le rôle du département dans la surveillance de certaines maladies infectieuses va certainement augmenter. »