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Une nouvelle ère en microbiologie

Une nouvelle ère en microbiologie
2018 11-28

Dans le cadre du rapport annuel 2017 du LNS, nous avons réalisé une série d’interviews et de reportages pour mieux présenter le LNS à travers son personnel et ses différents départements. Voici le quatrième interview qui met en scène Joël Mossong PhD suivi du reportage correspondant. Bonne découverte!

Docteur en sciences biologiques et titulaire d’un master en mathématiques interdisciplinaires de l’Université de Warwick (Royaume-Uni), Joël Mossong est responsable du service d’épidémiologie et de génomique microbienne et chef ad interim du département de microbiologie. Son service fait partie du département de microbiologie, au même titre que celui de virologie et sérologie et celui de bactériologie, mycologie, antibiorésistance et hygiène hospitalière. Ses deux missions principales sont d’assurer, au niveau national, la surveillance épidémiologique et génomique des pathogènes microbiens d’origine alimentaire (comme les bactéries du genre Salmonella, Campylobacter et Listeria) ainsi que ceux pour lesquels il existe un vaccin. La surveillance de ces deux types de pathogènes permet aux autorités sanitaires d’intervenir rapidement en cas de phénomènes épidémiques.

UNE NOUVELLE MÉTHODE : LE SÉQUENÇAGE DE DERNIÈRE GÉNÉRATION

Récemment, le service a mis en place une nouvelle méthode, le séquençage de nouvelle génération (Next Generation Sequencing ou NGS), qui lit les génomes microbiens avec une résolution inédite. « C’est un peu comme un puzzle », explique Joël Mossong. « On découpe le génome en fragments aléatoires, qu’on amplifie puis qu’on reconstruit pour réaliser une empreinte génétique. L’avantage de cette méthode est que nous pouvons l’appliquer à tous les types de microbes tels que les bactéries et les virus, qu’ils soient d’origine humaine, animale ou alimentaire. Nous sommes d’ailleurs un des seuls laboratoires à le faire. Étant donné la petite taille du pays, nous sommes capables de procéder aux séquençages de tous les pathogènes bactériens d’origine alimentaire répertoriés au Luxembourg. »

Cette spécificité a ainsi permis au Laboratoire national de santé de très vite conclure que les cas de contamination par la bactérie Salmonella Agona au Luxembourg n’avaient aucun rapport avec ceux causés par la bactérie du même sérotype présente dans le lait infantile contaminé du groupe français Lactalis. « En 2017, nos collègues de France nous ont envoyé des génomes entiers de la bactérie à l’origine de la contamination du lait infantile. Nous avons analysé leurs empreintes génétiques, les avons comparées avec celles à l’origine des cas luxembourgeois et avons constaté qu’il ne s’agissait pas de la même souche. »

UN PROGRAMME DE VACCINATION HPV EFFICACE

Depuis le 1er mars 2008, le Ministère de la Santé luxembourgeois a mis en place un programme de vaccination gratuit contre les HPV (Papillo-mavirus humains), des agents infectieux responsables des cancers du col de l’utérus, mais aussi d’autres parties ano-génitales (vulve, vagin, pénis, anus) et de certains cancers de la gorge. Au départ, le programme s’adressait prioritairement aux jeunes filles de 12 à 17 ans et proposait deux types de vaccins administrés en trois doses dans un intervalle de 6 mois. Depuis 2015, le programme a changé et ne propose plus que le vaccin bivalent contre les HPV de type 16 et 18, responsables de 73 % des cancers du col de l’utérus, pour les jeunes filles de 11 à 13 ans à administrer en deux doses. En partenariat notamment avec le service de cytologie gynécologique, le Planning familial et des experts belges, le service pilote le projet Papillux (2015-2018), financé par le Fonds National de la Recherche et dont le but est d’évaluer l’impact de ce programme de vaccination sur la prévalence des HPV.

« Nous voulons savoir si les jeunes filles vaccinées présentent une prévalence inférieure à celles qui n’ont pas reçu le vaccin », explique Joël Mossong. « Nous avons recueilli auprès du Planning familial le frottis vaginal de 716 femmes après avoir obtenu leur autorisation et avons procédé à leurs analyses. Les résultats de l’étude ont démontré l’efficacité du programme de vaccination. Chez les jeunes filles vaccinées avant le premier rapport sexuel, la prévalence des papillomavirus humains de type 16 ou 18 était de 0 %, contre 8 % chez les jeunes filles non vaccinées. L’efficacité du vaccin était donc de 100 %. »

LA DÉCOUVERTE D’UN NOUVEAU PAPILLOMAVIRUS

« Nous avons également fait une découverte surprenante », poursuit Joël Mossong. « Nous avons en effet réalisé de nouvelles analyses sur les mêmes échantillons mais cette fois-ci en utilisant la méthode du séquençage de nouvelle génération (NGS). À l’aide de cette méthode, nous avons développé un test qui détecte, par amplification des séquences, tous les génotypes de papillomavirus humains – il y en a plus de 200 au total ! –  et avons pu isoler un nouveau génotype jamais découvert auparavant. Nous ne connaissons pas encore avec précision son impact sur la santé mais ce que nous savons, c’est qu’il fait partie du groupe gamma, des papillomavirus qui se retrouvent principalement sur la peau et en principe pas dans les parties sexuelles féminines. Grâce à cette découverte, nous avons pu prouver que certains HPV gamma se seraient spécialisés dans les muqueuses. »

« En outre, nous avons évalué la couverture vaccinale contre les HPV dans le cadre du projet Papillux, notamment en nous appuyant sur des fiches de vaccination anonymes extraites de la base de données de la Sécurité sociale luxembourgeoise. Nous avons découvert que la couverture vaccinale de 60 % au Luxembourg est nettement plus élevée qu’en Allemagne et en France, et que le changement du programme de vaccination en 2015 (de 3 vers 2 doses et de l’abaissement de l’âge cible) n’a pas eu d’impact significatif sur cette couverture. Ces résultats ont été publiés récemment dans un journal scientifique. »

À l’avenir, le service aimerait continuer ses activités de recherche. Ainsi, le service vient de lancer un nouveau projet de recherche Campy-lOmic sur les Campylobacter, la bactérie la plus fréquemment diagnostiquée chez les patients souffrant de diarrhées au Luxembourg avec plus que 600 cas répertoriés en 2017. Un 2e axe de recherche, une première au Luxembourg, serait de déterminer le rôle des HPV dans les autres types de cancers, tels que les cancers de la vulve, du pénis, de l’anus et certains cancers de la gorge.

« Grâce à nos implications dans différents projets et les publications qui en découlent, nous valorisons notre travail, et celui du LNS, à l’international », conclut Joël Mossong. « C’est une des raisons pour lesquelles le métier de chercheur est si exaltant.  Nous échangeons nos idées avec des personnes qui sont passionnées comme nous par la recherche, nous devons souvent faire preuve de créativité pour élaborer de nouvelles méthodes et de nouveaux procédés et nous obtenons de la reconnaissance pour ce que nous faisons. »