Dans le cadre du rapport annuel 2017 du LNS, nous avons réalisé une série d’interviews et de reportages pour mieux présenter le LNS à travers son personnel et ses différents départements. Voici le cinquième interview qui met en scène le Dr sc. Daniel Stieber suivi du reportage correspondant. Bonne découverte!
Passionné depuis toujours par les sciences du vivant, Daniel Stieber est biologiste de formation. Depuis février 2013, il est responsable du plateau technique de biologie moléculaire, bio-informatique et séquençage qui fait partie, conjointement avec les unités de conseil génétique, cytogénétique et génétique onco-hématologique, du département de génétique. La plateforme a pour mission de mettre au point des techniques d’analyse génétique et moléculaire destinées au diagnostic des maladies génétiques et à l’étude génétique des cancers.
« Dans le cadre de cette mission, nous avons développé une expertise dans la technologie de séquençage d’ADN de nouvelle génération (Next Generation sequencing ou NGS) », poursuit Daniel Stieber. « Capable de lire – on utilise le terme de séquencer – simultanément de grandes fractions d’ADN comprenant des millions, voire des milliards de molécules individuelles, le NGS regroupe un ensemble de méthodes qui permettent de décrypter rapidement, et à un moindre coût, l’ADN d’une personne, d’obtenir de nombreuses informations sur son patrimoine génétique et d’établir des diagnostics plus précis en cas d’anomalies. Dans un premier temps, nous réalisions des analyses NGS en routine sur des échantillons de tumeurs cancéreuses (cancer colorectal, cancer du poumon, etc.) envoyés par le département de pathologie morphologique et moléculaire pour étudier leurs mutations. Début 2017, nous avons lancé un projet visant à étendre ces analyses NGS aux mutations constitutionnelles, c’est-à-dire des anomalies génétiques transmises par les parents, que les personnes portent dès leur naissance et qui augmentent très fortement le risque de développer un cancer. Les syndromes héréditaires les plus connus et les plus courants sont les cancers du sein et de l’ovaire causés par une mutation du gène BRCA1 ou BRCA2 et le cancer colorectal sans polypose (ou syndrome de Lynch). »
Le projet a pour but de réduire considérablement le nombre d’échantillons sous-traités à l’étranger. Jusqu’à présent, l’unité de conseil génétique consultait les patients, déterminait si le cancer était héréditaire ou non et si oui, quels étaient les gènes les plus probablement impliqués dans la maladie. Une ordonnance était délivrée, l’échantillon d’ADN extrait par la plateforme et envoyé dans un laboratoire étranger pour analyse. « Dans le cadre de notre projet, nous avons mis au point une méthode qui consiste à tester les séquences codantes complètes de 26 gènes associés aux cancers héréditaires. Au lieu de lire l’ensemble du génome du patient qui compte environ 3 milliards de paires de base, nous fragmentons l’ADN et sélectionnons les fragments d’ADN contenant les gènes que nous voulons analyser en les amplifiant par PCR (polymerase chain reaction ou réaction en chaîne par polymérase). Ensuite, nous récupérons les fragments sélectionnés et les séquençons de manière massivement parallèle avec notre séquenceur nouvelle génération. Nous réalisons en quelque sorte une photocopie ciblée et agrandie des gènes que l’on veut voir apparaître par rapport au reste. »
La méthode a été validée par une analyse en parallèle des mêmes échantillons, les résultats des laboratoires étrangers ont été comparés avec ceux obtenus par l’équipe de Daniel Stieber. Sa mise en routine en 2018 devrait permettre au plateau technique de prendre en charge une grande partie des 400 à 450 demandes d’analyses oncogénétiques formulées chaque année par la consultation de conseil génétique.
« Grâce à cette nouvelle expertise, les analyses oncogénétiques prendront moins de temps, coûteront moins cher, poseront moins de problèmes administratifs et fluidifieront davantage les relations entre le conseil génétique et ses patients. Cette méthode étoffe également nos compétences en génétique, plus précisément en génétique moléculaire constitutionnelle à haut débit via NGS, qui pourront par la suite être très utiles pour l’analyse d’autres maladies à composante génétique où le nombre de gènes à tester est plus important comme les syndromes autistiques ou de retards mentaux. L’objectif final est de faire du LNS l’interlocuteur unique pour la génétique au Luxembourg et de faire évoluer le département de génétique en Centre National de Génétique Humaine. La médecine génomique est en pleine expansion et nous allons devoir à l’avenir recruter davantage de bio-informaticiens pour accélérer la démarche diagnostique. Les analyses génétiques vont générer des volumes de plus en plus importants de données qu’il va falloir gérer, interpréter et tracer. »
« La génétique est un domaine très complexe mais enthousiasmant car en perpétuelle évolution et permettant, grâce à l’apparition de nouveaux outils et l’avènement de la numérisation, d’appréhender des phénomènes encore incompréhensibles il y a une dizaine d’années », conclut Daniel Stieber. « Nos activités ont également un impact non négligeable sur la santé publique. En identifiant les risques d’un patient par l’analyse de ses gènes, nous contribuons d’une certaine manière à sa guérison. Ainsi, sur base d’informations génétiques, un cancer du sein peut être évité par une mastectomie préventive. L’exemple le plus célèbre est celui de l’actrice américaine Angelina Jolie. Personnellement, je reste toujours émerveillé par ce que je découvre dans l’exercice quotidien de mon métier. Le corps humain n’a pas fini de m’étonner. »