Dans le cadre du rapport annuel 2018 du LNS, nous avons réalisé une série d’interviews et de reportages pour mieux présenter le LNS à travers son personnel et ses différents départements. Voici le septième interview qui met en scène le Dr phram., Dr sc. Patricia Borde, chef du département de biologie médicale, suivi du reportage correspondant. Bonne découverte!
Au sein du département de biologie médicale, l’unité de dépistage néonatal et des maladies métaboliques a pour objectif de repérer les bébés atteints de maladies rares, souvent d’origine génétique, de manière à pouvoir les diagnostiquer le plus rapidement possible et appliquer dès les premiers jours de vie un traitement efficace pour prévenir des déficiences sévères, voire le décès. Jusqu’il y a peu, l’unité détectait par prélèvement de sang séché sur papier buvard les quatre maladies suivantes : la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, l’hyperplasie congénitale des surrénales et la déficience en MCAD. Le 2 janvier 2018, un nouveau projet pilote a été lancé sous les auspices de la Direction de la Santé : le dépistage de la mucoviscidose pour tous les nouveau-nés au Luxembourg.
L’IMPORTANCE D’UN DIAGNOSTIC PRÉCOCE
La mucoviscidose est une maladie héréditaire et incurable qui entraîne la production d’un mucus anormalement épais et collant dans les poumons. Les symptômes qui en découlent sont des infections broncho-pulmonaires fréquentes, associées à des désordres nutritionnels. La recherche a démontré que les enfants malades pris en charge très tôt conservent un meilleur état général que ceux diagnostiqués plus tardivement. Le diagnostic et la prise en charge précoces améliorent la croissance, permettent aux poumons de rester plus sains, réduisent les séjours à l’hôpital et augmentent l’espérance de vie.
« Le dépistage de la mucoviscidose chez les nourrissons est un peu différent des autres dépistages dans la mesure où il est mené en collaboration avec le Centre National de Génétique », précise le Dr pharm., Dr sc. Patricia Borde, chef du département. « Comme pour les autres maladies, le dépistage s’effectue sur le même échantillon de sang séché, la carte Guthrie, au même âge – le troisième jour de vie – et est basé sur une technique en deux étapes. »
La première étape consiste à doser une protéine, la trypsine immunoréactive (TIR), sur l’échantillon de sang. Si la concentration en TIR est supérieure à la normale et à condition qu’un accord parental ait été consenti par écrit, la carte Guthrie est transférée au Centre National de Génétique pour un test génétique. En l’absence d’un accord écrit, les parents sont contactés par la maternité et informés de la nécessité de poursuivre les examens avec un deuxième dosage TIR sur une deuxième carte Guthrie. Le test génétique ne couvre pas toutes les mutations possibles du gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator), qui régule le transport du chlore à travers la membrane des cellules – il y en a plus de 2.000 – mais les 50 plus fréquentes, ce qui est un chiffre élevé si l’on compare avec les pays voisins.
LA PERTINENCE DU TEST DE LA SUEUR
Différents cas de figure sont possibles après les analyses génétiques. Si deux mutations sont identifiées, le bébé doit être examiné dans un centre spécialisé, le Centre Luxembourgeois de Mucoviscidose et des Maladies Apparentées (CLMMA) au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL), pour confirmer ou infirmer le diagnostic par le test de la sueur. Ce test mesure la quantité de chlorure dans la sueur du bébé. Le chlorure fait partie de l’équilibre électrolytique du corps, il se combine avec le sodium pour former le sel présent dans la sueur. Une compresse inodore et incolore, imprégnée de pilocarpine qui stimule la transpiration, est placée sur une petite portion de peau (généralement sur le bras ou la jambe). Une électrode est ensuite posée sur la compresse pour faire transpirer la zone stimulée. Ce procédé ne provoque aucune douleur chez l’enfant, seulement une sensation de chaleur dans la zone. La transpiration est recueillie et envoyée au laboratoire de l’hôpital pour analyse. Les enfants atteints de mucoviscidose ont un taux élevé de chlorure dans leur sueur.
Si une seule mutation est détectée, l’enfant peut être un porteur sain de la maladie (comme l’un de ses parents), ce qui est le plus probable, ou en être atteint. Un test de la sueur au CHL est également nécessaire.
Si aucune mutation n’est détectée, un dosage TIR est effectué au 21e jour de vie. Si le taux est toujours au-dessus de la moyenne, l’enfant doit être envoyé au CLMMA pour des examens complémentaires. Dans la plupart des cas, ces examens complémentaires permettront d’éliminer le diagnostic.
LES DIFFÉRENTES FORMES CLINIQUES DE LA MALADIE
« Pour certains enfants, il est parfois difficile d’émettre un diagnostic définitif », admet le Dr pharm., Dr sc. Patricia Borde. « L’expression clinique de la maladie peut être très variable. Il n’y a pas une mais plusieurs formes de la maladie. Le test de la sueur est un élément très important pour poser un diagnostic et faire la distinction entre les porteurs sains et les enfants atteints de l’une des formes de la mucoviscidose. »
Un an après le lancement du projet, le Dr pharm., Dr sc. Patricia Borde en tire un bilan positif. « Sur les 7.425 cartes Guthrie que nous avons reçues en 2018, nous en avons détecté trois où les bébés présentaient une forme typique de la mucoviscidose. Ceci tend à prouver que notre dépistage est utile et peut améliorer l’existence des enfants atteints de cette maladie. Nous travaillons actuellement à l’amélioration du formulaire de consentement à signer par les parents. Ceux-ci sont souvent stressés lorsqu’ils apprennent que des tests génétiques doivent éventuellement être effectués sur leur enfant. Une forte concentration en TIR n’est pas forcément synonyme de mucoviscidose. De nombreux nouveau-nés ont de l’hypertrypsinémie sans pour autant être atteint de mucoviscidose. De plus, le test génétique est limité au gène CFTR et pas à tous les gènes de l’enfant. Le ministère de la Santé publiera au premier trimestre 2019 une brochure en 4 langues (anglais, allemand, français et portugais) pour mieux expliquer aux parents l’utilité et la nécessité de ce test. »